samedi 7 octobre 2017

Ce que mon nom m’a enseigné

Par H. F. Ito, avec l’aide de Tomi Nagai-Rothe et Lee Seaman.
Traduit en français par Clélie Dudon

Mon nom complet est Haruyoshi Fugaku Ito. Comme beaucoup de gens me connaissent simplement comme Ito, le reste de mon nom ne vous est peut-être pas familier. Ceci est une réflexion sur ce que j’ai appris de mon nom et ce que j’ai exprimé à travers lui.

Mes parents m’ont prénommé Haruyoshi. Haru signifie « Printemps » et yoshi « Droiture». On m’a dit que le nom Haruyoshi venait de mon arrière grand-père qui a été de la première génération des maires de Hayama-Cho (1) !

Hayama est situé à l’extrémité Nord de la Péninsule de Miura, face à la Baie de Sagami, sur l’Océan Pacifique. Cette région possède un climat maritime tempéré, caractérisé par des hivers courts et frais et des étés chauds et humides.

Fugaku est le nom d’artiste que j’ai reçu d’Aoki senseï durant la période de la Rakutenkai. Ce fut un grand honneur de recevoir un nom de sa part en reconnaissance d’avoir été son disciple. Le Fu de Fugaku est semblable au « im » de im-possible (qui signifie « ne...pas ») ou le « in » de in-croyable. Gaku signifie « apprendre» - c’est-à-dire, « étudier intellectuellement ou logiquement par le langage ». Fugaku signifie « étudier sans intellect ».

Quand j’étais jeune, je devais être un étudiant très ennuyeux, car je posais sans arrêt des questions à mes senseï et sempaï pour comprendre le sens d’un kata et de nombreuses autres choses.

Un jour, ils m’ont dit de chercher la réponse dans mon propre corps. Cela signifiait que je devais étudier la sagesse de mon propre corps, au lieu d’attendre les réponses des autres. L’une des choses que j’ai pu remarquer, c’est qu’une personne qui rassemble seulement des connaissances peut sembler intelligente, mais souvent elle peut aussi avoir un esprit étroit. Si nous souhaitons réellement construire nos vies, nous avons besoin de partager la sagesse à travers l’expérience personnelle en interagissant humblement avec les autres et le monde. C’était ce que je voulais pour ma vie, alors j’ai commencé à me demander : 
« - Quel est le message de la nature ? 
    - Qu’est-ce que la nature me dit ? ».
 
Quand j’ai fait cela et que j’ai été attentif, je me suis confronté à de nombreuses contradictions : le bien est mauvais, le mal est bon. Tout cela était confus – comme dans le proverbe chinois du cheval.
 
Un fermier chinois trouve un cheval, qui peu de temps après s’enfuit. Un voisin lui dit : « C’est une mauvaise nouvelle ». Le fermier répond : « Bonne nouvelle, mauvaise nouvelle, qui sait ? » Le cheval réapparait avec un autre cheval. Bonne nouvelle, vous devez penser. Le fermier donne alors le cheval à son fils, qui le monte, mais il fait une mauvaise chute et se casse la jambe. « Désolé pour cette mauvaise nouvelle », dit le voisin au fermier.
« Bonne nouvelle, mauvaise nouvelle, qui sait ? » lui répondit à nouveau le fermier. Une semaine plus tard, les soldats de l’Empereur sont venus pour réquisitionner tous les jeunes hommes physiquement aptes au combat pour aller faire la guerre. Le fils du fermier est réformé. Bonne nouvelle, en effet. Et bien évidemment, l’histoire ne s’arrête pas là. »

J’ai vu tellement de situations similaires, lorsque j’ai commencé à faire attention.

La vie est une sorte d’entraînement à la recherche de la voie, la recherche de la vérité et de la vraie signification. Toute ma vie, je n’ai jamais eu ce que la plupart des gens voient comme un « vrai boulot » pour gagner de l’argent. A chaque fois que j’ai eu la chance de trouver du travail, je me demandais : « est-ce que ce travail va être bien pour moi ? » Ainsi, j’ai poursuivi mes centres d’intérêts, et comme l’argent est très pratique, j’ai fini par faire beaucoup de choses pour gagner ma vie. « La vie est bonne, ai-je ressenti toute ma vie, j’aime ce que je fais et je fais ce que j’aime. »

Par conséquent, dans la vie j’ai appris quelque chose de tout.

J’ai découvert que plus j’enseignais avec enthousiasme, et plus je partageais ardemment, plus j’apprenais sur le monde et les autres personnes. Ainsi, l’une des leçons les plus importantes pour moi a été que « plus vous partagez, plus vous apprenez ». Et au cours du temps, j’ai réalisé que mon corps connaît la sagesse des arts martiaux japonais.

C’est comme si le souffle de la culture japonaise coulait à travers les katas, dans mon corps, et qu’il avait trouvé un foyer en moi. Bien sûr, cette compréhension a pris beaucoup plus de temps pour atteindre mon cerveau ! Mais mon corps ressemble à un répertoire des trésors hérités de trois grands maîtres – un musée national vivant reconnu mondialement.

Les Bouddhistes disent que notre vie nous a été donnée à chacun comme une opportunité pour Shugyo, « l’entraînement ». Nous sommes supposés continuer à développer notre niveau de spiritualité, peu importe ce que nous faisons et peu importe le type de circonstances que nous rencontrons.

La paix mondiale n’arrivera jamais à travers des déclarations politiques, des lois ou des forces militaires. Elle commence toujours en nous. Si vous n’avez pas la paix dans votre propre corps et votre propre cœur, vous ne pouvez pas vous attendre à la paix dans vos relations personnelles, et vous ne pouvez pas être en relations pacifiques avec des personnes, les animaux ou quoi que ce soit autour de vous. Même si nous souhaitons la paix, nous finirons par créer des conflits jusqu’à ce que nous fassions la paix en nous-mêmes.

Voici ce que mon nom, Fugaku a commencé à signifier pour moi : ne dépend pas simplement de ta compréhension intellectuelle du monde. Trouve la vérité en étudiant l’Univers à travers le mouvement de ton corps.

Je partage cela avec vous comme un principe de vie utile.
*Note: Daisetsu T. Suzuki est l’auteur de l’ouvrage, Le Zen et la Culture Japonaise. Dai signifie « grand » ou « très grand» et Setsu signifie maladroit, ainsi son premier nom signifie Le Grand Maladroit. Bien que ses écrits ne soient absolument pas maladroits, c’est une tradition Zen de se donner à soi-même un nom dépréciatif.

1 https://en.wikipedia.org/wiki/Hayama,_Kanagawa