samedi 2 décembre 2017

L’Héritage de Taimyo Kata: Du Bouddha Shakyamuni à nos jours

Par Andrew Stones, adapté par Haruyoshi F. Ito



Chers Amis,

C’est avec grand plaisir que je partage avec vous cette histoire de Taimyo — L’Héritage de Taimyo Kata: Du Bouddha Shakyamuni à nos jours, écrite par Andrew Stones. Beaucoup d’entre vous se souviennent d’Andrew – l’une des nombreuses personnes qui m’ait aidées avec ITO Gaiden en 2016.

Cette histoire est venue de l’imagination d’Andrew, presque comme le script d’un film. Je fus incapable de l’insérer dans mon livre, mais je ne pouvais pas la garder secrète dans mes fichiers – juste comme un souvenir. Mon espoir est que cette histoire approfondisse votre appréciation de Taimyo Kata maintenant et dans le futur ! 

Avec le Mudrâ du Diamant,

Ito



Introduction

L’histoire de Taimyo Kata commence en Inde avec le Bouddha historique, puis se retrouve en Chine à travers la tradition des arts martiaux de Shaolin, au Japon à travers le karaté d’Okinawa et le karaté Shotokan jusqu’au Shintaido. Le fil reliant tout cela exprime l'énergie du ki dans la Nature ; il se construit sur le cœur de ce qui a existé auparavant et s'ouvre à l'inspiration créative qui ramène la tradition dans le présent.


Inde: le Bouddha historique

Ananda se déplaçait avec énergie et intention à travers la forêt. Il allait voir son maître spirituel, Shakyamuni, le sage de la tribu Shakya, aussi connu comme Gautama Siddhartha, Bouddha, Celui qui s’est Éveillé. 

Shakyamuni avait pris d’assaut la communauté spirituelle du Nord de l’Inde avec son enseignement radical du lâcher-prise : lâcher l’attachement, lâcher la superstition et le rituel. Simplement s’asseoir, sans nul autre désir. Juste être. Tel était le chemin qu’il enseignait pour libérer l’esprit humain de la souffrance. 

D’une certaine façon, la présence de cet homme touchait les gens et incitait à de profondes transformations. Juste d’être assis en sa présence apportait de l’enracinement et de la clarté. Ananda pouvait déjà ressentir cette présence immense, même de loin. Des milliers de personnes seraient là assises en présence du maître, seraient avec lui, l’écouteraient tandis qu’il tournerait la Roue du Dharma. 

Il y avait là une vaste clairière, remplie de gens. La présence du maître était palpable, comme une énergie vivante dans l’air que vous pouviez presque entendre, voir, toucher. Des vagues d’énergie coulaient de la poitrine du maître, et lorsqu’il se leva, la clairière fut baignée de lumière. Certains s’évanouissaient, d’autres haletaient. Mais le Bouddha souriait en étendant les mains, paumes vers le bas, comme s’il disait, "Tout va bien, les amis, cette énergie est votre droit de naissance. Soyez en paix, il n’y a pas de raison d’avoir peur."

Le Bouddha tourna la Roue du Dharma pendant de nombreuses années. Il enseignait à travers des mots, à travers des transmissions mentales directes, et à travers son corps et sa présence physique. Il transmit son illumination d’esprit-à-esprit, de parole-à-parole, de corps-à-corps. Dans son incarnation physique, les gestes du Bouddha devinrent connus sous l’appellation de mudrâ ou sceau : chaque geste recelait un enseignement, un aspect de l’expérience d’illumination. Le geste avec les paumes tendues devant vers le bas, devint connu comme le mudrâ-de-l’intrépidité: "Zemmui­in."


Chine: Bodhidharma et Vajramukti

Bodhidharma était en colère. Il avait voyagé jusqu’en Inde pour illuminer les Chinois avec les enseignements du Bouddha, et eux s’endormaient pendant les sessions de méditations. Au Temple Shaolin où Bodhidharma vivait et enseignait, les sessions de méditation étaient longues et épuisantes. Bodhidharma (達磨 Da Mo en Chinois, Daruma en Japonais), était exigeant. 

Guerrier de naissance, il ne supportait pas les imbéciles ni les fainéants. Il n’avait qu’une solution. Il décida d’enseigner à ses étudiants chinois de méditation l’art indien de Vajramukti, l’art martial guerrier qu’il avait appris quand il était jeune garçon. Il espérait que cela leur donnerait plus d’énergie, plus d’aptitude physique, et plus de persévérance lors des sessions de méditation. Il intégra dans l’art martial les enseignements du Bouddha, tout particulièrement ceux qui contenaient les gestes – mudrâ. Chaque kata, chaque forme, serait autant une « Danse du Dharma » qu’une séquence martiale. 

La nouvelle forme de l’ancien Vajramukti créée par Bodhidharma fut un succès ; ses étudiants chinois acquirent une remarquable énergie, qui améliora profondément leur méditation et leur éveil. Chacune de ces formes du Vajramukti était trois-en-une : à la fois une séquence de combat, un exercice de santé et une danse du Dharma – une représentation physique de l’enseignement du Bouddha à travers des gestes. Au fil des siècles, la tradition bouddhiste Vajramukti initiée au Temple de Shaolin par Bodhidharma devint connue comme le Dharma du Poing du Temple de Shaolin ou Kung Fu Shaolin (Shaolin zu chuanfa en Chinois, Shorinji Kempo en Japonais). 


Chine: Kung Fu Shaolin

Fang Qi Niang peignait ses cheveux et pensait à la vie, assise dehors dans le soleil du matin. Une jeune femme seule, dehors sans protection, l’un aurait pu penser qu’elle craindrait les bandits et les voleurs. Mais elle n’avait pas peur. Fang, initiée par son père dès sa plus tendre enfance, était maître en Kung Fu de Shaolin. 

Il y avait plusieurs siècles que Bodhidharma avait incité les moines du Temple de Shaolin à l’action en leur enseignant sa propre version du Vajramukti indien. La boxe de Shaolin avait mûri et s’était épanouie dans une multitude de styles, tandis que le Taoïsme autochtone avait imprégné les formes originelles indiennes avec la conscience chinoise. Comme le Shintô japonais, le Taoïsme révère la Nature. Les adeptes harmonisaient leur conscience avec la Grande Nature dans toutes ses formes, changeaient la forme de leur conscience à travers la Terre, l'Eau, le Bois, le Métal et l'Air, devenant un avec les animaux, les plantes et les roches. Cette harmonisation favorisait la conscience de la santé, la conscience spirituelle, et même la conscience des arts martiaux. Les adeptes du Temple de Shaolin développaient des styles de combat inspirés par les animaux : Mante religieuse, Tigre, Serpent, Aigle, Cheval, Dragon, Singe et bien d'autres. A travers leur évolution chinoise, les formes du Kung Fu de Shaolin étaient maintenant quatre-en-un : des exercices pour développer la forme physique, une danse du Dharma, une forme de combat, et une façon de s’harmoniser avec la Nature. Le Kung Fu de Shaolin était devenu un vrai art martial chamanique chinois. 

Fang – malgré son jeune âge, sa beauté et sa féminité – était une formidable chamane. Alors qu’elle peignait ses cheveux ce matin-là, une grande grue vient se poser près d’elle, fascinée par son miroir qui brillait dans la lumière du matin. Soudain, la grue plongea pour voler le miroir avec son bec tranchant. Toute personne normale aurait pu être intimidée, mais les réactions de Fang étaient affinées par des années d'entraînement. L'oiseau donna un coup de bec pour avoir sa prise, mais Fang bloqua et para, tourbillonna et tournoya, et l'oiseau s'envola. Le lendemain, la même chose se produisit encore. La grue arriva, essaya de saisir le miroir, et Fang la repoussa. Le troisième jour, Fang réalisa que la « lutte » avec la grue était plus qu’un jeu amusant, comme si la grue voulait montrer à Fang son esprit et son mouvement fougueux. Fang suivit son entraînement chamanique Shaolin ; elle s’harmonisa avec l’oiseau, reçut son esprit, et le Kung Fu de la Grue Blanche naquit. 

Le style Bouddhiste Shaolin contenait les sceaux du Dharma, et était aussi un style vraiment chinois, imprégné de l’esprit de la nature – et dans ce cas-là – de l’esprit de la grue. Le Kung Fu de la Grue Blanche devint bientôt l’un des styles d’arts martiaux les plus populaires en Chine du Sud, et une myriade de formes (kata en Japonais) émergea de ses variations. L’une d’elles est une forme connue sous le nom de Lu Pi (鷺牌 en Chinois et Rohai en Japonais) – Vision de la Grue.


Japon et Okinawa: Funakoshi

Gichin Funakoshi, le premier homme à avoir enseigné l’art du Karaté d’Okinawa sur l’île principale du Japon, était assis dans sa petite pièce en tatami à Tokyo. Il se sentait heureux. Le nouveau programme élargi de katas Shotokan était terminé, après des mois de travail réalisé par lui-même et par son fils, Yoshitaka. Lorsqu’il était arrivé sur l’île principale, quelques années auparavant, il avait apporté avec lui seulement une quinzaine de kata de son Okinawa natal. Mais son ami Kenwa Mabuni, un autre maître d’Okinawa qui enseignait lui aussi sur l’île principale, en connaissait plus de soixante !

Funakoshi avait demandé à son fils d’aller apprendre plus de katas auprès de Mabuni de sorte que le programme Shotokan pourrait être élargi et l’affable Mabuni lui rendit ce service. 

L’un des katas que Yoshitaka avait appris de Mabuni était Rohai. Comme de nombreux katas du karaté d’Okinawa, Rohai tirait son origine de la forme du Kung Fu de la Grue. Yoshitaka et Gichin travaillèrent sur ce kata ensemble, modifiant les trois katas que Mabuni avait enseignés (Rohai shodan, nidan et sandan) et les amalgamèrent en un seul kata pour le Shotokan. 

Funakoshi décida de retirer tous les déplacements Tsuru Ashi Dachi (jambe de grue, ou déplacement sur un pied) qui ne s’alignait pas sur l’orientation du Shotokan. Il s’assura de bien garder les premiers déplacements aussi précis que l’original de même que le reste de ce kata gracieux. C’était vraiment des déplacements du Bouddhisme Shaolin : un profond rassemblement du ki avec les poings fermés à la taille en position du cheval, suivi par un prudent et précis Morote Zemmui-in (mudrâ-des doubles-mains-de- l’intrépidité).

Maintenant, la seule question était de savoir comment nommer ce kata ? Funakoshi aimait renommer tous ses katas quand il les incorporait dans le Shotokan. Contemplant la nature Bouddhiste de la forme – sa clarté et sa simplicité – il se souvint de l’histoire de la sélection du sixième patriarche du Zen en Chine (Bodhidharma fut le premier patriarche). "Qu’est-ce que le zen?" demanda le cinquième patriarche aux candidats. "Le Zen est l’essuyage de la poussière d’un miroir !" répondit le premier candidat. A cela, le second candidat répondit simplement :"Pas de poussière ; pas de miroir." Funakoshi sourit et dit "Yoshitaka, je vais nommer ce kata Miroir Brillant, Meikyo!" 


Japon: Egami

Il y a un sens profond de joie, d’euphorie et de liberté dans le vrai flot créatif. Alors que Shigeru Egami regardait l’horizon, il sentit cette euphorie joyeuse dans chaque cellule de son corps. Depuis que son ami Okuyama était revenu d’une retraite dans la montagne, les choses s’ouvraient pour Egami. Pratiquant vétéran de Karaté avec plus de vingt ans d’expérience, Egami pensait qu’il n’avait plus rien à apprendre du karaté. Mais le jeune Okuyama partagea avec lui de nouveaux principes inspirés par ce temps de profonde retraite dans les montagnes, et ces principes avaient ouverts l’esprit d’Egami à de nouvelles possibilités. 

Relaxation et flux. Egami avait toujours su qu’il était important d’être détendu pour se déplacer avec fluidité en karaté. Mais la profondeur de relaxation d'Okuyama et la complétude du flux lui étaient entièrement nouvelles. 

Tout cela était juste... révolutionnaire ! Et cela inspirait Egami, non seulement à expérimenter les nouvelles idées d’Okuyama, mais aussi à être autant révolutionnaire lui-même. Maintenant, les vannes de la créativité étaient vraiment ouvertes, et les idées émergeaient nombreuses et rapides. Comment le karaté peut-il vraiment couler, rassembler et refléter le ki de la nature ? Comment l’Esprit de la Grande Nature peut-il imprégner vraiment notre pratique du karaté et comment pouvons-nous utiliser des mouvements qui sont faits pour refléter et améliorer vraiment cette imprégnation? Ce matin-là, il contemplait les deux premiers mouvements du Meikyo Kata ; le profond rassemblement du ki au koshi avec les poings fermés, suivis par cette magnifique expression appelée en karaté Morote Shuto Uchi, (ou en termes bouddhistes, Morote Zemmui-in). Comment pourrions-nous rendre ces mouvements encore plus puissants, voire plus réflectif de la grâce de la nature ? Et même plus transformateurs pour nos cœurs et nos esprits ? 

Et alors, il sut : d’abord, plutôt que d’emmener les poings directement à la taille, étendre les mains ouvertes devant, comme si littéralement on recueillait le ki de l’horizon lointain ; alors la condensation devient encore plus puissante et profonde. Ensuite, plutôt que de bouger les mains droit devant et vers le haut dans le mouvement traditionnel Shuto Uchi, monter les mains ouvertes devant le corps ; les monter haut comme si le ki s’élevait à travers les jambes, le long de la colonne vertébrale, à travers tout le corps, depuis la terre, et alors laisser cette énergie se répandre à travers tout le corps et ouvrir avec le mouvement Morote Shuto Uchi. Finalement, comme le grand maître d'Aikijujutsu, Hoken Inoue, avait montré à Egami et Okuyama, il exécuta des mouvements de mains ouvertes avec les doigts écartés, ce qui rendait le ki beaucoup plus puissant. 

Dés lors, le premier mouvement de Meikyo Kata parut stylistiquement bien différent du traditionnel Meikyo Shotokan, en intégrant une conscience plus vive du ki de l’horizon, du ki de la terre et du ki de l’infinie expansion. 


Japon: Aoki

Il était tard dans la nuit, et Hiroyuki Aoki réfléchissait à ce qui allait devenir son dernier chef d’œuvre : Taimyo Kata. Ce serait un kata que personne n’aurait jamais vu auparavant. Comme une version condensée d’une session complète de Shintaido, Taimyo Kata serait une série de katas courts complètement différents réunis en un seul. Comme un rituel chamanique complet du début à la fin, ou bien comme un service eucharistique entier : Partie 1, Concentration de l’Énergie, semblable à l’Onction Sacrée, le Kyrie, et la Gloire; Partie 2, Approfondissement des habilités, semblable à la Liturgie, l’Alléluia, et le Credo; Partie 3, Respiration Méditative, semblable à la Communion Sacrée en elle-même, suivie par la Bénédiction Solennelle. Le kata allait surprendre et aussi préserver et transmettre l’essence du Shintaido à travers une sélection établie de pratiques clés. 

Cette nuit-là, Aoki pensait à la première section : Concentration de l’énergie. Il souhaitait que cette section soit un lien au passé, aux anciens artistes martiaux spirituels qui nous avaient légués leur sagesse à travers les katas. Alors le début de la première partie, Concentration de l’énergie, allait incorporer Kanku Kata. Plus près de la fin, cela rappellerait Hangetsu. Mais, et le milieu ? Depuis la partie, Etre immergé dans l’énergie (Kanki) jusqu’à Traverser les montagnes (Saizan) – qu’est-ce qui devait les relier ? Avoir le pouvoir de traverser les montagnes demande de rassembler et stocker beaucoup de ki. Quels déplacements permettraient cela ? Bien sûr ! Les premiers mouvements du Meikyo Kata d’Egami, qui pourraient être répétés plusieurs fois pour stocker couches après couches une énergie puissante. La première partie de Taimyo s’appellerait Reppaku, "Couches intenses d’énergie."1

Couches Intenses d’énergie: En regardant derrière

Ainsi, nous inspirons et expirons, élevons nos bras et nous immergeons dans l’énergie universelle : Kanki. Puis, nous avançons, inspirant et absorbant, expirant et condensant, inspirant et absorbant, expirant et créant, permettant à nos mouvements de refléter des couches intenses d’énergie : Reppaku. Et en faisant cela, l’héritage des maîtres : celui de Hiroyuki Aoki Sensei, de Shigeru Egami et de Gichin Funakoshi, l’héritage de La Grue Blanche de Fang Qi Niang, l’héritage Shaolin de Bodhidharma, et l’héritage Bouddhiste de Shakyamuni nous soutiennent et nous protègent en cette époque, et se tiennent avec nous dans notre désir - dans notre désir sincère – de manifester le pouvoir vrai, la compassion vraie, la sagesse vraie – la paix vraie. Ils sont ici avec nous pour créer le Paradis sur Terre, afin que chacun de nous puisse s’élever comme des Bouddhas. Et ainsi, exactement comme Ananda, expérimenter ces couches intenses d’énergie comme si nous marchions vers la clairière où Bouddha enseignait, il y a 2500 ans, et que nous puissions tous manifester cette énergie, ici et maintenant. 


Postface

Les pratiquants de Shintaido se rappellent que Hiroyuki Aoki avait commencé à développer le programme Yoki-kei (doux, ndt) de Shintaido au début des années 1990. Beaucoup d’entre nous ont pensé qu’il avait laissé tomber ce programme – connu comme le Chef d’œuvre Inachevé de Aoki – inachevé, car il a poursuivi d’autres inspirations. 

J’ai récemment réalisé que Aoki sensei avait en fait terminé son chef d’œuvre dans la forme de Taimyo Kata. Cependant, si vous pratiquez Taimyo avec un esprit et un corps Kaiho-kei (ouvert, ndt), je ne pense pas que vous puissiez goûter à son essence de chef d’œuvre Yoki-kei.

La première fois que j’ai appris Taimyo Kata j’avais la cinquantaine, mes mouvements étaient alors très influencés par la force physique. J’ai commencé à pratiquer le Tai Chi après mes 60 ans et j’attribue mon habilité à pratiquer Taimyo avec moins de force au Tai Chi. Certaines maladies presque fatales m’ont également énormément appris à me mouvoir sans effort. Maintenant que j’ai 75 ans, mon Taimyo est devenu plus doux et plus mature. Je me sens comme un monument archéologique : mes angles ont été adoucis par le temps et certaines parties de moi sont à peine visibles.


Nous vivons comme si nous étions indépendants de la terre, mais chaque jour nous dépendons des plantes, de l’oxygène, de l’eau et de beaucoup de nutriments que la Terre nous offre. Nos corps sont comme de véritables hologrammes de notre planète. En même temps, nos corps sont des univers en eux-mêmes comme la philosophie grecque le dit. Il devient impossible pour nous de séparer notre petit univers (le corps et le Soi) du grand univers. A travers l’ensemble de Taimyo Kata, nous pouvons imaginer toucher des galaxies et le Grand Univers (Dai Uchu) dans lequel notre planète flotte. Taimyo Kata est un outil pour maintenir une relation saine avec Dai Uchu.


Dan Dan Yoku Naru Hokke no Taiko! 
Plus vous frappez, meilleur est le son. Tambour du Temple!


Haruyoshi Fugaku Ito

Décembre 2017, Maslives, France 



Merci à Tomi Nagai-Rothe et Lee Seaman pour leur aide à l’édition, et à Clélie Dudon pour la traduction française. 



(1) Reppaku utilise des mouvements puissants et lents avec une respiration profonde. Certains mouvements clés viennent du Kata de Karaté Shotokan Meikyo (Miroir Brillant), i.e. le mouvement des double mains en couteau (Morote Shuto Uchi) similaire au “E” de Tenshingoso.

samedi 7 octobre 2017

Ce que mon nom m’a enseigné

Par H. F. Ito, avec l’aide de Tomi Nagai-Rothe et Lee Seaman.
Traduit en français par Clélie Dudon

Mon nom complet est Haruyoshi Fugaku Ito. Comme beaucoup de gens me connaissent simplement comme Ito, le reste de mon nom ne vous est peut-être pas familier. Ceci est une réflexion sur ce que j’ai appris de mon nom et ce que j’ai exprimé à travers lui.

Mes parents m’ont prénommé Haruyoshi. Haru signifie « Printemps » et yoshi « Droiture». On m’a dit que le nom Haruyoshi venait de mon arrière grand-père qui a été de la première génération des maires de Hayama-Cho (1) !

Hayama est situé à l’extrémité Nord de la Péninsule de Miura, face à la Baie de Sagami, sur l’Océan Pacifique. Cette région possède un climat maritime tempéré, caractérisé par des hivers courts et frais et des étés chauds et humides.

Fugaku est le nom d’artiste que j’ai reçu d’Aoki senseï durant la période de la Rakutenkai. Ce fut un grand honneur de recevoir un nom de sa part en reconnaissance d’avoir été son disciple. Le Fu de Fugaku est semblable au « im » de im-possible (qui signifie « ne...pas ») ou le « in » de in-croyable. Gaku signifie « apprendre» - c’est-à-dire, « étudier intellectuellement ou logiquement par le langage ». Fugaku signifie « étudier sans intellect ».

Quand j’étais jeune, je devais être un étudiant très ennuyeux, car je posais sans arrêt des questions à mes senseï et sempaï pour comprendre le sens d’un kata et de nombreuses autres choses.

Un jour, ils m’ont dit de chercher la réponse dans mon propre corps. Cela signifiait que je devais étudier la sagesse de mon propre corps, au lieu d’attendre les réponses des autres. L’une des choses que j’ai pu remarquer, c’est qu’une personne qui rassemble seulement des connaissances peut sembler intelligente, mais souvent elle peut aussi avoir un esprit étroit. Si nous souhaitons réellement construire nos vies, nous avons besoin de partager la sagesse à travers l’expérience personnelle en interagissant humblement avec les autres et le monde. C’était ce que je voulais pour ma vie, alors j’ai commencé à me demander : 
« - Quel est le message de la nature ? 
    - Qu’est-ce que la nature me dit ? ».
 
Quand j’ai fait cela et que j’ai été attentif, je me suis confronté à de nombreuses contradictions : le bien est mauvais, le mal est bon. Tout cela était confus – comme dans le proverbe chinois du cheval.
 
Un fermier chinois trouve un cheval, qui peu de temps après s’enfuit. Un voisin lui dit : « C’est une mauvaise nouvelle ». Le fermier répond : « Bonne nouvelle, mauvaise nouvelle, qui sait ? » Le cheval réapparait avec un autre cheval. Bonne nouvelle, vous devez penser. Le fermier donne alors le cheval à son fils, qui le monte, mais il fait une mauvaise chute et se casse la jambe. « Désolé pour cette mauvaise nouvelle », dit le voisin au fermier.
« Bonne nouvelle, mauvaise nouvelle, qui sait ? » lui répondit à nouveau le fermier. Une semaine plus tard, les soldats de l’Empereur sont venus pour réquisitionner tous les jeunes hommes physiquement aptes au combat pour aller faire la guerre. Le fils du fermier est réformé. Bonne nouvelle, en effet. Et bien évidemment, l’histoire ne s’arrête pas là. »

J’ai vu tellement de situations similaires, lorsque j’ai commencé à faire attention.

La vie est une sorte d’entraînement à la recherche de la voie, la recherche de la vérité et de la vraie signification. Toute ma vie, je n’ai jamais eu ce que la plupart des gens voient comme un « vrai boulot » pour gagner de l’argent. A chaque fois que j’ai eu la chance de trouver du travail, je me demandais : « est-ce que ce travail va être bien pour moi ? » Ainsi, j’ai poursuivi mes centres d’intérêts, et comme l’argent est très pratique, j’ai fini par faire beaucoup de choses pour gagner ma vie. « La vie est bonne, ai-je ressenti toute ma vie, j’aime ce que je fais et je fais ce que j’aime. »

Par conséquent, dans la vie j’ai appris quelque chose de tout.

J’ai découvert que plus j’enseignais avec enthousiasme, et plus je partageais ardemment, plus j’apprenais sur le monde et les autres personnes. Ainsi, l’une des leçons les plus importantes pour moi a été que « plus vous partagez, plus vous apprenez ». Et au cours du temps, j’ai réalisé que mon corps connaît la sagesse des arts martiaux japonais.

C’est comme si le souffle de la culture japonaise coulait à travers les katas, dans mon corps, et qu’il avait trouvé un foyer en moi. Bien sûr, cette compréhension a pris beaucoup plus de temps pour atteindre mon cerveau ! Mais mon corps ressemble à un répertoire des trésors hérités de trois grands maîtres – un musée national vivant reconnu mondialement.

Les Bouddhistes disent que notre vie nous a été donnée à chacun comme une opportunité pour Shugyo, « l’entraînement ». Nous sommes supposés continuer à développer notre niveau de spiritualité, peu importe ce que nous faisons et peu importe le type de circonstances que nous rencontrons.

La paix mondiale n’arrivera jamais à travers des déclarations politiques, des lois ou des forces militaires. Elle commence toujours en nous. Si vous n’avez pas la paix dans votre propre corps et votre propre cœur, vous ne pouvez pas vous attendre à la paix dans vos relations personnelles, et vous ne pouvez pas être en relations pacifiques avec des personnes, les animaux ou quoi que ce soit autour de vous. Même si nous souhaitons la paix, nous finirons par créer des conflits jusqu’à ce que nous fassions la paix en nous-mêmes.

Voici ce que mon nom, Fugaku a commencé à signifier pour moi : ne dépend pas simplement de ta compréhension intellectuelle du monde. Trouve la vérité en étudiant l’Univers à travers le mouvement de ton corps.

Je partage cela avec vous comme un principe de vie utile.
*Note: Daisetsu T. Suzuki est l’auteur de l’ouvrage, Le Zen et la Culture Japonaise. Dai signifie « grand » ou « très grand» et Setsu signifie maladroit, ainsi son premier nom signifie Le Grand Maladroit. Bien que ses écrits ne soient absolument pas maladroits, c’est une tradition Zen de se donner à soi-même un nom dépréciatif.

1 https://en.wikipedia.org/wiki/Hayama,_Kanagawa


mardi 7 mars 2017

L’Arc long* de Taïmyo

  
Introduction à la version française 2017, par H.F. Ito 

(éditée du japonais à l’anglais par Tomi Nagai-Rothe & Lee Seaman et traduit en
français par Clélie Dudon)

Taïmyo Kata est une pratique puissante, transformatrice et dont les effets sont nettement particuliers selon chaque personne. J’ai inclus dans le tableau ci-dessous certains des repères dont je me souviens à propos de mon propre cheminement avec
Taïmyo.

* "L’arc long" fait référence à une phrase célèbre attribuée à Martin Luther King : « “The arc of the moral universe is long, but it bends towards justice.” (« L’arc de l’univers moral est long, mais il tend toujours vers la justice. »)


Concept originel      Hiroyuki/Tengai Aoki
Nom du KataLe nom “Taimyo” (littéralement “Le très Grand Insondable”) a été originellement inventé par Zhuang Zhou*, qui fut un disciple de Lao Zi.
Au début des années 1990Maître Aoki a partagé ses idées originales sur Taimyo en privé avec Taro Aoki et Hideki Ooi, membres du Shintaido NPO (japonais).
Cette information a été transmise confidentiellement, comme un enseignement secret de la compréhension fondamentale de Maitre Aoki.
1995Taimyo Kata a été publiquement présenté lors de la célébration du 30ème anniversaire du Shintaido japonais qui s’est tenue à Tokyo. Il a été exécuté par Taro Aoki et Hideki Ooi. Maître Aoki a présenté Taimyo comme étant le point culminant et l’achèvement de sa recherche sur le Shintaido Yoki-kei.
1996Taimyo a été présenté aux instructeurs de l’ISF (International Shintaido Federation), lors de la 6e Rencontre Internationale de Shintaido qui a eu lieu à Sonoma, en Californie.
1997-98H. F. Ito a pris des leçons privées avec Taro Aoki pour apprendre Taimyo Kata.
1998En 1998, Mario Uribe, membre de l’Ecole Américaine d’Arts Japonais**, a publié un manuel en anglais contenant un texte et des photos pour enseigner Taimyo Kata. La même année, Sylvie Alexandre a publié une traduction française de ce manuel.
1999H. F. Ito a commencé à enseigner Taimyo Kata en Amérique du Nord et en Europe, à travers son réseau d’amis et d’étudiants.
2001Peu après la tragédie du 11 septembre, Ito a créé le réseau “Taimyo Network for Peace***”, un groupe international qui, par-delà l’espace et le temps, prie et médite pour la paix dans le monde.
2002Masashi Minagawa a exécuté et enseigné Taimyo Kata lors de nombreuses rencontres, conférences et concerts de musique pour la paix dans le monde en Angleterre et en Irlande.
2007En mai, Ito a dirigé un évènement de Méditation avec Taimyo sur les plages normandes d’Omaha Beach, en France, pour prier les esprits des soldats qui ont sacrifié leur vie à cet endroit et durant la seconde guerre mondiale.
En novembre, Masashi Minagawa et Ito ont participé à un voyage en Chine : “En souvenir de Nanjing (Remember Nang Jing)”, organisé par « Un Monde sans Armées (A World without Armies)**** ». Ils ont prié pour les âmes des victimes du massacre de Nanjing en exécutant Taimyo Kata sur les rives du fleuve Yangtze.
2008Ito a commencé à diriger une série de classes de Méditation Taimyo bi-annuelles (été et hiver) à San Francisco, en Californie.
2010Le Centre d’Arts Corporels*****  a commencé à organiser un stage annuel en octobre, sur Taimyo Kata dans le Sud de la France.
2017Le Centre d’Arts Corporels a publié la seconde édition du texte de Taimyo en Français, éditée par Clélie Dudon.

Quelques DVDs ont aussi été publiés:
 
2004 TAIMYO DVD     Taimyo Kata exécuté par Masashi Minagawa
Produit par « The Naked Voice »******
2007SHINTAIDO DVDTaimyo Kata exécuté par H.F. Ito
Produit par Henry Kaiser.
2016TAIMYO DVDTaimyo Kata exécuté par Masashi Minagawa
Produit par Laurent Lacroix


Commentaires supplémentaires d’Ito 

En 2012, j’ai eu 70 ans. Ainsi, la première fois que j’ai appris Taïmyo Kata, j’avais la cinquantaine.  Mon  mouvement  était  alors  toujours  très  influencé  par  ma  force physique. J’ai commencé le Taï Chi juste quand j’ai eu 60 ans. En partie grâce au Tai Chi,  j’ai  alors  commencé  à  mieux  ressentir  comment  pratiquer  Taïmyo  en  utilisant moins  de  force.  Certaines  maladies  presque  fatales  que  j’ai  développées  m’ont également beaucoup apprises. Et maintenant que je suis dans mes 70 ans, mon Taïmyo est  devenu  beaucoup  plus  doux  et  plus  mature.  Je  me  sens  comme  un  monument archéologique  - mes angles ont été arrondis par le temps et certaines parties de moi ne sont guère plus visibles.